Eden périphérie
18 May 2019

Eden périphérie

Erdre et Gesvres (entre périurbanité et zone périphérique nantaise), 2016-2017.

Résidence artistique sur le territoire périurbain de la Communauté de Communes d’Erdre et Gesvres (44).
Travail réalisé avec le collectif bellavieza

Photographies : Adeline Praud, Jérôme Blin, Gaëtan Chevrier et Benoit Arridiaux

Qu’ils (nous) intriguent les habitants du périurbain. Leurs pratiques, leurs désirs, leurs imaginaires, leurs votes sont passés au crible, et les stéréotypes en sortent déjoués ou renforcés. Que de difficultés à assumer le périurbain pour ce qu’il est et arrêter de le considérer comme une sous-ville ou une ville qui peinerait à advenir. Et si pourtant le périurbain était le lieu de futurs territoires durables1. Plutôt que de concevoir les projets comme autant de contraintes – limiter les coûts de l’étalement, maîtriser l’urbanisation opportuniste, obliger à densifier, mettre sous cloche les espaces naturels… – peut-on enfin réussir à faire projet avec les spécificités de ces espaces ?Le périurbain photographié, sa géométrie fascine – arrêtes franches des maisons, lignes tendues des réverbères, sinuosité nette des routes – et ses incongruités amusent – aménagement parfait d’un rond-point dont une voie stoppe net, coffrets EDF magnifiquement encastrés comme autant d’épouvantails. Tas de terre, fourreaux, dalles béton, coffrets EDF, piquets de géomètres, ligne d’asphalte immaculée, gravier tout juste déposé, l’urbanisation est destruction ou utopie, si l’on y voit la dispersion, le sol fragmenté, le substrat rural mis à mal ou la multiplication des lisières, des franges et des interfaces possibles entre bâti et espaces ouverts2.Nulle localité ici n’est donnée. On circule dans ces nouvelles géographies que les ménages désireux d’accéder à la propriété individuelle continuent d’imposer. les horizons sont larges, ouverts, les ciels habités. On observe ces lotissements, formes génériques vite classées cités dortoirs dont la répétition peut être chahutée. Bords de route, mitoyennetés, pièce de nature classée, infrastructures, les lotissements s’adaptent – ils comblent le déjà-là, s’agrègent entre eux ou débutent un front bâti. La maison. On peut la construire ou la faire construire, la bricoler, l’augmenter, elle est ce chez-soi au dehors maîtrisable, le jardin, que l’on peut travailler, planter, clôturer, acclimater. L’action ici est arrêtée, on reste au seuil de ce paysage domestique silencieux, représenté par ces visages intérieurs et ces objets qui disent nos attachements.

(Anne Bossé).

Anne Bossé est enseignante en urbanisme et projet urbain à l’école d’architecture de Paris Malaquais et chercheure au CRENAU.

Périurbain. D’emblée, le qualificatif de ce territoire donne le LA. Sujet à débats et controverses, Il se définit par l’autre.Il dépend de la ville, de ses lumières qui enivrent et attirent les attentions, les regards.La périphérie a aspiré les nôtres. Regards citadins, donc inéluctablement partiels, subjectifs et partisans. Une nature forcément sauvage, une campagne belle, accueillante et bucolique. L’idée de vivre loin de la ville fait petit à petit son bout de chemin. Un espace ouvert, lumineux, apaisé. Le fantasme opère. Thoreau, Stevenson, London. Mais cet Eden ne peut être perçu que par des yeux éblouis. Travailler ? Un périphérique saturé . Habiter ? Un lotissement aseptisé. Consommer ? Un supermarché nouvellement implanté.Restent ces personnes que l’on pourrait rencontrer. Puis avec elles, une envie et bien au delà de l’apparence et de l’image, un pressentiment qu’une relation durable pourrait s’installer. Quelque chose semble coller comme on dit. L’impression aussi de se revoir entre amis après une longue séparation, subie mais sans que l’on ait éprouvé l’obligation partagée de donner des nouvelles à l’autre. Et tout recommence. Naturellement. Et même si cela peut traduire un entre soi naissant, le sentiment d’appartenir au même monde, d’en avoir une lecture presque identique, on se laisse bercer par ces petits moments de bonheurs partagés.

(Benoit Arridiaux pour bellavieza)

 

Scénographie : collectif bellavieza